Journal filmé 80

Du lundi 5 juin 2017

Mis en ligne le 21 mai 2018

Ouest-France / écran de l’autoradio / autoroute, trajet en voiture vers Poitiers / rétroviseur / Noémie conduit / écran du téléphone, GPS / façade et l’entrée de l’hôtel Formule 1 / distributeur de boisson / couloirs / signalétique hôtelière / numéros de chambres / marche dans le couloir / plan d’évacuation / chambre 213, écran du téléphone avec code / clavier et porte de la chambre qui s’ouvre / deux lapins sur la pelouse / emballages perdus / panneau du parking / vieux matelas / rond-point à contre-jour / vitrines et enseignes / reflet du ciel / drapeaux / façades de magasins / armoire électrique scotchée « Danger de mort » / Jouéclub  / parking désert / marche / reflet du filmeur dans la vitre / boutique vide / boulangerie / marche / routes et rond-point / un homme seul qui passe / clavier du code pour l’ouverture de la porte de la chambre

0 min 28 s

Ce jour-là, j’accompagnais Noémie à Poitiers

0 min 35 s

Toutes les autoroutes se ressemblent

0 min 37 s

Le paysage qui défile trop vite s’effiloche

0 min 48 s

Retrouver des lieux inconnus

Et les avoir déjà fréquentés ailleurs

Même hôtel, même entrée

0 min 55 s

Même distributeur de boisson

Mêmes marques qui jalonnent l’espace

1 min 04 s

Même signalétique, même décor

Même numéro de chambre

1 min 13 s

Mêmes couleurs sur les murs, même moquette

1 min 24 s

Même plan d’évacuation

1 min 33 s

Pastille rouge, vous êtes ici

Jamais perdu

1 min 41 s

Il n’y a que le numéro de code qui change

1 min 51 s

Sauf qu’ici, il y a des lapins sur la pelouse

2 min 01 s

Explorer l’espace tout autour de l’hôtel

En périphérie de la ville

Saturé d’inscriptions

De pancartes, de textes de logos de marques

2 min 14 s

Espace de passage

Inhabitable

2 min 23 s

Lieu de circulation circulaire

Circum-locus

Plaque tournante posée à la limite de la ville

Des routes des parkings

Les ronds-points sont des îles de végétation

Des reliquats de campagne perdue

Je ne croise personne

La ville semble abandonnée

Pourtant, je sens des présences

Derrière les façades 

2 min 55 s

Ici, il n’y a que des clients

Des consommateurs

Pas de promeneurs

3 min 10 s

Des locataires, des vendeurs, des particuliers

Des professionnels

Les marques hissent leurs drapeaux

Leurs étendards

Pour marquer leur territoire, leurs places fortes

Pour baliser le terrain

3 min 27 s

Les marques livrent et installent à domicile

3 min 35 s

Rien de neuf n’est à vendre ni sous le soleil

Ni sous la lune

En cette fin d’après-midi de juin

Dans cette zone commerciale désertée

3 min 52 s

Dans cette absence, rien ne se dit, tout s’écrit

Les dangers de mort, les Jouéclub

Les banques alimentaires de la Vienne

Les aubades, les salles d’exposition

Et les salles de bains

4 min 46 s

Personne d’autre à filmer que moi-même

Mon reflet dans la vitrine

Je cherche le juste cadrage

5 min 03 s

Ici, il n’y a rien d’autre à vendre que le vide

D’où surgit le reflet du filmeur

Pris à son propre « je »

Personne d’autre à filmer que moi-même

5 min 13 s

Pris à mon propre « je »

Celui d’il y a presque un an

Dérivant dans cette zone commerciale désertée

Vide et grotesque

Inutile et folle

Avec ces mots partout écrits

Sans aucune parole donnée

Juste des messages commerciaux

Pause, places assises, terrasse Bannette

Votre boulangerie sera fermée le lundi 5 juin

Et chèques de table

Langue vide, sèche et froide

Cadavérique

6 min 08 s

Croiser un fantôme à six minutes

Et huit secondes

Rentrer vite s’enfermer

Dans la chambre deux cent-treize

D’un hôtel Formule 1

6 min 24 s

De quelle ville déjà ?