Journal filmé 171
Du 12 et 13 août 2018
Mis en ligne le 3 mai 2020
72 plans
Main du filmeur sur le bouton du volet / ouverture / le chat
rentre / Point de vue / écran de l’autoradio : dimanche 12 août 2018, 14 h 57,
25°C / en voiture, départ vers la Normandie, voix de Bérénice et Léobin /
passages de la chaussée de Bouaye et du pont de Cheviré / par la fenêtre de la
chambre de la maison de Port-en-Bessin / écran de l’interphone / table de la
salle avant le petit déjeuner / dans la cuisine, les parents / équeutage des
haricots et conversation autour de la préparation du repas / sur la terrasse,
Léobin et Sébastien préparent des berniques, "chapeaux chinois" / gros plan sur les mains /
avec le grand-père / promenade sur le port, le lendemain de la bénédiction de
la mer / Nathalie téléphone à ses parents / sur le port, ruines de la fête /
montagne de fleurs en papier destinées à la poubelle / Un bateau rentre /
bouquet de vraies fleurs dans le port
3 min 54 s
Sentiment d’étrangeté
Alors que je monte ces rushes d’il y a vingt et un mois
Jusqu’à maintenant, j’écrivais le Journal filmé
Au plus proche du présent des images
Mais aujourd’hui, c’est devenu impossible
Comme si elles avaient définitivement basculé
Dans le passé
Qu’aucun retour en arrière n’était envisageable
Est-ce un effet du confinement ?
Ce mot qui a envahi nos vies
Nos paroles, nos écrans, nos pensées
Ce mot dont nous n’avions pas le moindre usage
Avant le 17 mars 2020
Aujourd’hui
J’écris depuis le off de la voix
C’est un peu comme si
Le temps du Journal filmé s’était retourné
Comme on dépiaute un lapin
On dépouille le temps
Et tout retour en arrière devient impossible
Comme ces images de vacances
Chez mes parents en Normandie
Depuis, ils ont quitté la maison de Port-en-Bessin
Pour aller habiter dans la Drôme
Aujourd’hui
Il m’est impossible de refaire ces plans
Plus rien de cela n’existe
Temps sans retour
Dernière prise comme on dit au cinéma
Le temps de nos existences nous échappe
Celui du Journal filmé avance inexorablement
Nous retourne la peau
