Journal filmé 282

 

Du 9 octobre 2019

Mis en ligne le 5 juin 2022

81 plans

 

Musique : Xavier Mussat / eau qui coule sous la fenêtre de la chambre, matin / cuisine / une voiture passe sur le pont / fenêtre / reflet du filmeur dans un couvercle de casserole / eau qui coule de la gouttière / tombe dans le ruisseau / bureaux de La Métive / plan d’évacuation / table avec documentations / guirlande lumineuses enroulées / chat devant la fenêtre / sur la route / ruines / main du filmeur qui ramasse des petites pierres / tas de briques / main du filmeur qui prend une brique / prélèvement de poudre de brique / terrain vague avec twingo / corons / route / restaurant, brasserie / carte du Bistrot du marché / hamburger et frites / twingo sur le parking / contrechamp une femme pousse son caddie / façade du musée de la tapisserie à Aubusson / entrée / plan d’intervention / laine bleue / rose / orangée / verte / violette / fuseaux / pancarte : merci de na pas toucher / tapisserie en cours / plan d’évacuation / vidéo d’une femme qui bobine du fil / bobines de fil / schémas / poinçon / détails d’une tapisserie de Jean Lurçat / étiquette « Cotonou noir » de Jean Lurçat / ombre du filmeur / tapisserie noire et blanche / déplacement de l’ombre / guide devant son public / tapisserie de Man Ray / hall désert / plan d’évacuation / sur la route du retour / arrêt à la brocante « Affaires à faire / fresque et objets / main du filmeur qui trie des cartes postales des boiseries de l’abbatiale de Moutier d’Ahun / carte avec trusquin et livre de Gilles Clément / arrivée / sur le pont, de nuit / une voiture passe / lune entre les nuages / platane et croix, lumière orange / passage d’une voiture / platanes et leurs ombres / croix / passage d’une voiture 

 

Journal de La Métive

8/9

 

0 min 15 s

Huitième matin

 

0 min 38 s

Le temps est comme étiré

Ce séjour n’est fini pas

Je suis comme prisonnier

À l’intérieur même du Journal filmé

Dix jours de de mon existence

D’il y a trente-deux mois

Deviennent neuf semaines

Dans le temps d’aujourd’hui

Comment échapper à ce processus

Qui semble incontrôlable ?

Plus je filme, plus j’accumule des rushes

Dans les disques durs

Et plus je creuse l’écart

Entre le moment de la prise de vue

Et celui de la diffusion

Cercle infernal

Que faire ?

Arrêter de filmer

Effacer les fichiers numériques

Oublier des jours

Couper des scènes

Réduire, accélérer

Ralentir, accélérer

Réduire, accélérer

Ralentir, accélérer

Le cinéma est une machine

Qui vient bousculer l’ordre des choses

Et du temps

Qui vient bouleverser l’idée même

Du continu et du discontinu

Vingt-cinq fois par seconde en vidéo

L’œil humain est trompé

Il croit percevoir un mouvement

Là où il n’y a qu’une succession d’images fixes

Le cinéma n’existe que parce que l’œil

Ne possède qu’un pouvoir de séparation

Étroitement limité dans l’espace et le temps

(Je reprends les mots de Jean Epstein)

Le cinéma et donc le Journal filmé

N’existent pas en dehors

De la vision du spectateur

L’illusion, le fantôme n’existent

Que lorsque nos cerveaux

« Élaborent la continuité subjective du film » 1

Peut-être ce même phénomène

Nous permet-il jour après jour

De reconstituer une forme de continuité

De persistance de nos existences

À partir des morceaux de souvenirs éclatés

Des myriades de présents

Que nous avons traversés

Et qui s’impriment dans notre corps

En dehors même de notre volonté

 

Le Journal filmé est le lieu

Où surgissent ces questions

Qui restent souvent sans réponse

Un film qui perd son M

Et qui devient fil

Qu’on aime tirer

Rembobiner, débobiner

Nouer, filer, filmer



1  Jean Epstein, « L’intelligence d’une machine », 1946, p. 13.

Posts les plus consultés de ce blog

Journal filmé 346

Journal filmé 378

Journal filmé 375