Présentation du Journal filmé
1 – Être filmeur
Après avoir longtemps écrit, longtemps filmé ; après avoir
appris des auteurs, écrivains et plasticiens que j’ai reçus, pendant vingt ans,
en résidences autour du lac de Grand-Lieu, j’ai développé ma propre écriture en
devenant filmeur.
J’ai appris à être en résidence en recevant des auteurs
autour du lac de Grand-Lieu. Auprès d’eux, j’ai développé une approche du lieu
et du territoire qui privilégie les rencontres avec les habitants pour échanger
des savoirs et des pratiques dans un processus qui rejoint un peu l’esprit de
l’éducation populaire. J’ai souvent été amené à dépasser mon rôle
d’organisateur pour entrer dans le processus de création de mes hôtes. Les
résidences ont été mon école, j’ai appris avec les plasticiens et les écrivains
que j’ai reçus.
Pendant cette période, j’ai développé des collaborations
étroites avec Paul-Armand-Gette, Jean-Luc Parant et Gilles Bruni. Petit à
petit, j’ai développé mes propres pratiques d’auteur entre arts plastiques,
littérature et cinéma. Du fait de ma formation d’animateur, je suis toujours
très attentif à la médiation avec les habitants.
J’ai été invité en résidence par le Conseil départemental de
Loire-Atlantique avec Gilles Bruni, sur la question de végétalisation du
château de Clisson. Cette résidence nous a permis de travailler ensemble, à
part égale, pendant deux années (2012 / 2013) pour mettre en œuvre le projet
Arrangement végétal. Chacun de nous a développé son propre travail, pour ma
part, j’ai apporté mon rapport à la langue pour composer des installations qui
reposaient parfois sur des jeux de langage. J’ai réalisé des vidéos et
développé un blog dédié au projet.
L’engagement dans une démarche d’écriture a été déclenché
par la rencontre d’Alain Cavalier, en 2016 dans le cadre du festival Premiers
Plans d’Angers. C’est ce jour-là, en l’écoutant, j’ai décidé de m’engager dans
un journal filmé.
Un filmeur pratique un cinéma en liberté, dégagé des
contraintes techniques du cinéma traditionnel, la plupart du temps, il filme
seul, avec une caméra numérique légère et sans équipe technique. Il filme le
monde qui l’entoure, ses amis, sa famille, les gens qu’il croise sans faire de
mise en scène. Souvent, il assure le montage et la post-production de ses
films. Un filmeur vise à retrouver le point de vue de l’écrivain, il développe
une forme de « Je » qui a été longtemps réservé à la littérature.
Ainsi pour moi, le Journal filmé est le résultat d’une
multitude de tentatives et d’expériences personnelle au croisement entre
pratique plastique et écriture poétique. Il est l’aboutissement d’une longue
recherche.
Avec le Journal filmé, je me suis autorisé, enfin, à
inventer ma propre écriture.
2 – Qu’est-ce qu’un Journal filmé ?
Le journal filmé est un genre cinématographique qui s’est
développé depuis une cinquantaine d’années en France. Des réalisateurs comme
Joseph Morder ou Gérard Courant puis avec Alain Cavalier l’ont fait connaitre
au grand public dans les années 1970. Le Journal filmé s’inscrit dans une
certaine histoire du cinéma depuis les films des frères Lumière qui déjà, en
leur temps, enregistraient des bribes de la vie quotidienne. L’apparition du
numérique et le développement du web ont favorisé l’invention de nouvelles
pratiques d’écritures diffusées sur les plates-formes vidéo et sur les réseaux
sociaux.
Le Journal filmé tel que je pratique est à la fois un
laboratoire et le produit d’une recherche d’écriture personnelle. Il dérive
d’une approche documentaire. Au jour le
jour, j’enregistre mon quotidien, je monte les images et les sons, j’écris des
textes, je les enregistre. Chaque épisode est une reconstruction qui navigue entre
réalisme et poésie Cette démarche est particulièrement adaptée au travail en
résidence. Il n’est pas un journal intime mais bien un journal publié qui
s’adresse à un regardeur. Au-delà du travail d’évocation des évènements vécus
et ressentis, à l’intérieur de chaque épisode, je tente de répondre aux
questions plus théoriques sur la pratique que je mène.
Je n’apparais pas, ou très rarement dans le Journal filmé,
juste par un reflet, une ombre, une main qui entre dans le champ. Il est
essentiellement tourné vers les autres, mes proches, les personnes que je
rencontre. Ainsi, la résidence est une situation propice au Journal filmé. Il
est à la fois la trace de ces rencontres et le résultat de l’écriture que je
développe à partir de ma présence dans le lieu.
La durée de chaque épisode du Journal filmé est de 6 minutes et 40 secondes.
3 – Les modes de médiation et de diffusion ?
Un épisode du Journal filmé est publié chaque semaine sur
YouTube. Le lien vers l’épisode est ensuite partagé sur Facebook et sur un blog
dédié qui reprend également le texte écrit pour la voix off et les incrustations
sur l’image . Ce mode de diffusion fait véritablement partie de ma démarche
artistique.
Si cette démarche s’inscrit dans la lignée des journaux
filmés ; elle s’inscrit également dans un nouvel espace d’écriture appelé
LittéraTube ou Vidéoécriture . Par
l’usage des réseaux sociaux, le filmeur n’est plus isolé, il entre dans une
communauté. Les échanges se multiplient par l’usage des commentaires. Le geste
d’édition sur le web est constitutif de nouvelles pratiques qui produisent de
nouvelles formes d’écritures et donc de nouveaux rapports entre auteurs et
lecteurs. Une communauté d’échanges s’est constituée entre les auteurs, je
pense en particulier à François Bon qui est un des premiers écrivains à avoir
investi le web pour développer une nouvelle forme d’écriture.
Le Journal filmé est également présenté en public sur le
modèle de la projection cinéma. Cela a été le cas pour la première fois le
jeudi 12 avril 2018 aux Sables d’Olonne à l’invitation de l’association Petite
lanterne, puis dans le cadre du au Festival Extra au Centre Pompidou et du Festival OFF : Olonnes films festival. Ainsi projeté dans
une salle, devant un public, le Journal filmé, prend une autre existence, une
autre dimension. Chaque épisode devient une séquence d’un film à géométrie
variable qui peut être recomposer à l’infini en juxtaposant des épisodes
parfois éloignés l’un de l’autre dans le temps.
4 – Résidences, projections, ateliers, publications et apparitions
2023
- Projection du Journal filmé 121 dans le cadre de Delphine
festin au Lieu unique, Nantes (44), le 21 janvier 2023.
- Leçon de cinéma, CERCIP Pratique du journal filmé à
l'université de Tours (37), le 2 mars.
- Podcast : De la musique au film : Le Journal filmé d'Arnaud de la Cotte. Partie 1 / partie 2, de Stewen Corwez.
- Arnaud de la Cotte lit : Journal filmé le texte Tome 3 (2023) par Gérard Courant - Lire 187
-
Écrits sur le Journal filmé dans l'ouvrage : Qu'est-ce que la littératube ? de Gilles Bonnet, Erika Fülöp, Gaëlle Théval. Édition augmentée), Les Ateliers de [sens public].
- Lecture de Kossi Efoui : Une magie ordinaire. (Extrait)
- Écrivains, d'un bord de mer à l'autre. Pour les éditions joca seria. Juillet 2023
- Loto-projection, (projection du Journal filmé) à Orléans,
organisée par Michel Brosseau, le 11 novembre.
- Atelier Journal filmé / Passeurs d’images de l’association
l’Esprit du lieu, avec le résident de l’association pour l’Habitat des Jeunes
en Pays de Grand Lieu Machecoul et Logne, octobre, novembre et suite en 2024.
- Publication du Tome 4 du texte du Journal filmé, juillet.
- En suivant la Lacquette, captation d’une performance
artistique de Gilles Bruni.
2022
- Atelier Journal filmé au lycée Auguste-et-Louis-Lumière de
La Ciotat (13), film produit avec les élèves : Le Journal des livres, dans le
cadre de Lecture par nature, un projet de la Métropole Aix-Marseille-Provence,
coordonné par l'Agence régional du Livre Provence-Alpes-Côte d'azur, janvier et
avril.
- Atelier d’écriture avec Hélène Gaudy et projection, association Désirdelire,
Sigonce (04), le 21 mai.
- Loto-projection à Savonnières (37) à l’invitation du
réalisateur Yvan Petit, le 4 septembre.
- Projection du Journal filmé dans le cadre de l’exposition
Mix 38 artistes des pays de la Loire au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet
(49), du 26 novembre 2022 au 2 avril 2023.
2021
- Exposer InSitu : Exposition, au lycée agricole de Fontenay-le-Comte, mars.
- Participation à L'espace du livre : L'édition comme finalité. organisation : Rencontres photo Gaspésie et Pratiques et usage de l'image.
- Atelier Journal filmé au lycée Louis et Auguste Lumière de La Ciotat, dans le cadre de Lecture par nature, décembre.
- Publication du tome 3 du texte du Journal filmé. Acheter.
- Apparitions dans :
- Émission de radio :
Article :
2020
- Exposer InSitu : Exposition, au lycée / collège Sainte-Ursule, du 16 au 27 novembre.
2019
- Workshop, avec
la classe préparatoire aux écoles d’art du Lycée Notre Dame de Challans.
- Projection,
Carte blanche autour de Journal filmé, à l’invitation de l’association Accès au
cinéma invisible, à Nantes, le 15 octobre.
- Projection du
Journal filmé dans le cadre du festival La Festive, les 12 et 13 octobre.
2018
- Projections dans
le cadre de l’Olonne film festival du 28 novembre au 2 décembre.
- Projection au
festival Extra organisé par le centre Pompidou, du 5 au 9 septembre.
- Première
projection du Journal filmé à l’invitation de l’association Petite lanterne,
aux Sables d’Olonne, le 12 avril.
5 – Textes sur le Journal filmé
Erika Fülöp Université de Lancaster
Écrire l’image du quotidien : les journaux filmés littéraires sur YouTube
"Avec quelque 160 abonnés et 10 000
visionnages à la fin mars 2019, le Journal filmé hebdomadaire d’Arnaud de la Cotte
en est au moment de l’écriture de cet article à sa 118e édition. L’auteur a
précédemment publié quelques textes et tenu des blogs, mais de son propre aveu
dans son essai à paraître Le Film en « je » : écrits sur le Journal filmé 2016 –
2018, c’était une recherche de forme qui ne l’a jamais satisfait, malgré les
encouragements même d’un Guillevic admiré qui a lu ses premiers poèmes. Il
s’est également très tôt intéressé au cinéma et a expérimenté avec la caméra
Super 8 de son père dès les années 70. C’est néanmoins la découverte de la
vidéo et le lancement du journal qui lui ont donné le sentiment d’avoir trouvé
la forme idéale qu’il cherchait, mariant film et écriture."
Nathalie Brillant Rannou, Université Rennes 2
Du booktube à la vidéo de lecteur : enjeux d’un genre
scolarisable.In, Revue de recherches en Littératie Médiatique
Multimodale, vol 8, 2018.
« On peut considérer la chaîne YouTube de François Bon comme
une encyclopédie où ses vidéos sont classées par rubriques. Sont également
référencées sur cette chaîne des créations trouvées sur la toile, des
productions d’« amis », ce qui génère dès lors un effet de « communauté » voire
de polyphonie, en même temps qu’une sorte de carnet de bord numérique de
lecture de vidéos. On y trouve, par exemple, des liens vers le Journal filmé
d’Arnaud de la Cotte (voir illustration 3), dont le n° 30, réalisé au cours de
l’été 2016 a été mis en ligne sur YouTube le 24 février 2017.
Dans cette vidéo, l’image, le son, les gestes ordinaires
sont saisis dans une captation ouvertement artisanale. Le montage sobre et une
interrogation anaphorique murmurée et déclinée jusqu’à la fin, « Comment
filmer… », font littérature. Peut-on reconnaître dans cette énonciation
sensible la voix du… narrateur ? De l’auteur ? D’un énonciateur extérieur ? Du
poète ? Du vidéaste ? La question lancinante qui se surimprime à
l’enregistrement de ces fragments de temps de vacances ordinaires engage
simultanément la réflexion sur les possibilités du geste-vidéo. On voit aussi
se mêler aux traces d’un quotidien délibérément banal, diverses façons dont se
mettent en jeu les gestes de la lecture : lire un livre, lire la presse, lire
la signalisation routière métaphorisent les lectures du monde, celle du
vidéaste ou celle du spectateur.
À la question « Comment filmer… ? » qui, en se répétant tout
au long de la vidéo, crée une trame quasi poétique, non narrative et réflexive,
semble répondre constamment, en échos, celle que le spectateur partage avec les
personnes filmées : « Comment lire… ? ». Voici donc, à travers l’exemple de de
la Cotte, un usage artistique de YouTube capable de générer de nouvelles
modalités qui n’entrent aucunement en contradiction avec le livre, mais
reposent, de diverses manières, les questions de la lecture et de l’expression
littéraire. »
Christine Siméone,
Publié le 6 septembre 2018.
Qui sont les grands noms de la littératube ?
« On peut citer François Bon, Arnaud de la Cotte, Jérôme
Game, Charles Pennequin. Je mets dans cette page quelques autres sélections de
Milène Tournier et Laura Vazquez.
Il faut noter que la littératube est un milieu sans éditeur.
C'est un espace non-marchand, qui ne rapporte pas, personne n'a donc essayé de
mettre la main dessus.
Cela confère une grande liberté aux auteurs et aux
autrices.
Parfois ils ou elles ont déjà une vie auprès de maisons
d'édition traditionnelles et se permettent donc là des libertés et des
expériences nouvelles.
Comme le rappelle Jean-Max Collard, du Centre Pompidou,
"le milieu de la poésie a trouvé sur le net une terre d'expression que ne
lui offrait plus le monde de l'édition traditionnelle". »